Garantir la stabilité lorsque l'incertitude règne

Corinne Pohlmann, vice-présidente, Affaires nationales

Esma Guenin, analyste des politiques

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont en voie de se remettre de la dernière récession, et la confiance est relativement élevée chez les membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI). Malgré tout, les incertitudes liées aux dettes souveraines en Europe et aux États‑Unis risquent d'affecter l'économie canadienne. Le Canada sera davantage en mesure de composer avec ces incertitudes si les gouvernements s'attaquent au déficit et mettent en œuvre des politiques favorisant l'emploi pour les PME. Afin de garantir la stabilité en cette période d'incertitude et de mieux se positionner pour l'avenir, le Canada doit maintenir les cotisations sociales à leur niveau actuel, rétablir l'équité entre les pensions du secteur public et celles du secteur privé, et réduire la paperasserie.

Introduction

L'économie mondiale a connu une grave récession pendant la crise financière qui a commencé en 2008­2009 aux États-Unis et s'est répandue rapidement dans le reste du monde[1] . À l'instar des économies les plus avancées, le Canada a connu une réduction de son produit intérieur brut (PIB), une augmentation perceptible de son taux de chômage, et une diminution marquée de ses activités commerciales et de la confiance de ses consommateurs. Afin d'accroître la demande et de créer des emplois, le Canada, à l'instar de nombreux autres pays, a mis en œuvre un plan de relance contracyclique. Même s'il s'agissait d'un bon outil de départ pour favoriser la reprise économique, le gouvernement canadien est désormais confronté à d'importantes difficultés liées aux dépenses et au déficit. Même si le Canada s'est assez bien sorti de la récession, l'incertitude économique plane toujours à l'échelle mondiale et la croissance est modérée au pays. Les problèmes liés à la dette structurelle des États­Unis et la crise relative à la dette souveraine de plusieurs pays européens font partie des facteurs qui retarderont la reprise économique mondiale, et ils auront fort probablement une incidence sur la croissance au Canada. Aujourd'hui, le Canada doit prendre des décisions difficiles qui lui permettront d'être sain sur le plan financier en vue d'éviter les problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis et de nombreux pays européens.

Une mesure tout aussi importante que de sabrer les dépenses consiste à soutenir les PME canadiennes au moyen de politiques favorisant l'emploi et la croissance. Les PME font partie intégrante de l'économie canadienne. Étant donné que 98 % des entreprises au Canada comptent moins de 50 employés, on ne peut insister suffisamment sur l'importance des PME. Près de 60 % des travailleurs canadiens sont à l'emploi de PME, et ils représentent près de la moitié de l'économie canadienne. Les PME sont la pierre angulaire de l'économie canadienne. Par conséquent, le gouvernement doit absolument aider à créer et à soutenir un environnement favorisant l'entreprenariat et la croissance des petites entreprises, ce qui diversifiera l'économie en plus de créer de nouveaux emplois et de nouvelles occasions pour les Canadiens. En fait, les indicateurs macroéconomiques importants pour les 18 derniers mois démontrent que les PME canadiennes se sortent de la récession, et rétablissent les emplois et reprennent les activités commerciales perdues pendant les turbulences économiques.

Les propriétaires de petite entreprise ont de nombreuses histoires à raconter au sujet du rendement de leur entreprise pendant le ralentissement économique. Certains ont réduit les coûts au strict minimum. D'autres ont exploré de nouveaux marchés et y ont fait de bonnes affaires. La FCEI utilisera une partie de cette présentation pour donner un aperçu du comportement des PME pendant la récession (par souci d'exhaustivité à ce sujet, la FCEI publiera en septembre 2011 un rapport intitulé Survival of the Smallest). Puisque les PME sont une composante aussi importante de l'économie et de la société canadiennes, le gouvernement et les décideurs doivent absolument tenir compte de ces recommandations, car elles peuvent avoir une incidence énorme sur les PME. En travaillant ensemble, nous empêcherons le Canada de prendre du retard et nous ouvrirons la voie à un avenir viable sur le plan financier, dans lequel les entrepreneurs canadiens pourront connaître la prospérité.

Les PME et la récession

Afin de surmonter le ralentissement économique, 62 % des propriétaires d'entreprise passaient plus d'heures au travail. Ils ont également eu à faire des choix déchirants, comme réduire leur propre salaire, emprunter davantage ou annuler leurs vacances, pour traverser cette période difficile. Seulement un propriétaire de petite entreprise sur cinq a mentionné n'avoir rien changé (voir la figure 1).  

 

En outre, environ 42 % des propriétaires de PME ont réduit leur nombre d'employés pendant la récession, tandis que près d'un propriétaire sur trois a mentionné ne pas avoir eu recours à cette mesure (voir la figure 2). Le gel des salaires a également été une stratégie populaire chez les propriétaires d'entreprise (26 %). Sur une note positive, 12 % des propriétaires de PME ont été en mesure d'augmenter leur nombre d'employés pendant le ralentissement économique.

Pour replacer ces données en contexte, un rapport de la FCEI datant de mai 2010 a démontré que les grandes et les moyennes entreprises ont perdu 5,6 % et 5,9 % de leurs emplois rémunérés respectivement, tandis que les petites entreprises (c.‑à‑d. comptant moins de 50 employés) ont perdu seulement 2,0 % de leurs emplois rémunérés[2] .

Les réponses des PME à la récession sur le plan de l'emploi ont également révélé un écart important entre les provinces. En Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario, on a relevé un pourcentage plus élevé de réduction du nombre d'employés que la moyenne nationale (48, 49 et 45 % respectivement). Dans toutes les autres provinces, les pourcentages de réduction du nombre d'employés étaient inférieurs à la moyenne nationale. Parmi les grandes industries, ce sont les industries manufacturières qui ont connu la plus importante diminution de leur nombre d'employés.

Mesures des PME et politiques souhaitées par celles‑ci pour lutter contre la récession

Les propriétaires d'entreprise ont mis en œuvre de nombreux changements dans divers secteurs de leur entreprise afin de survivre à la récession. Sur les 22 mesures mentionnées dans le sondage, voici celles les plus souvent prises par les propriétaires : augmentation du nombre d'heures de travail (62 %), recherche de nouveaux consommateurs (50 %), et lancement de nouveaux produits ou services (46 %) [voir la figure 3]. 

En plus de poser des questions aux propriétaires d'entreprise sur la façon dont ils ont vécu la dernière récession, on a demandé à ces derniers quelles mesures les aideraient à maintenir le rendement de leur entreprise, ou à en renforcer la progression. En général, un gel des cotisations d'assurance­emploi, une réduction du taux d'imposition du revenu des sociétés et un assouplissement de la réglementation gouvernementale sont les trois principales mesures qui aideraient les PME à maintenir ou à renforcer leurs affaires (voir la figure 4)[3] .

Recommandations

Appuyer l'embauche et la formation

Il est bien connu que les charges sociales (p. ex. assurance-emploi, Commission des accidents du travail, Régime de pensions du Canada) sont les charges les plus défavorables, car elles ne tiennent pas compte des profits, ce qui nuit directement à la création d'emplois. Bien que certains taux d'imposition aient diminué, nombre de charges sociales et de primes ont augmenté au cours des cinq dernières années, et plusieurs d'entre elles risquent d'être augmentées davantage[4] . Les propriétaires de PME s'opposent fermement à ces augmentations qui nuisent dangereusement à leur capacité de maintenir leurs employés en poste, ce qui fait nécessairement obstacle à leur capacité de créer des emplois.

Le crédit à l'embauche pour les petites entreprises est une mesure administrative sans lourdeur, qui tient compte des coûts élevés générés par la formation et compense en partie les charges sociales pour les PME. Ce crédit donne une « pause » temporaire aux employeurs qui n'ont pas à verser des cotisations d'assurance­emploi pour toute augmentation de la charge (généralement à la suite d'une embauche ou d'une augmentation de salaire). Cette mesure appréciée des propriétaires de PME revêt une importance particulière pour les entreprises en expansion, car elle permet à celles-ci de renforcer le rendement de leurs activités[5] . Nous saluons certes cette mesure, mais nous souhaitons que ce crédit à l'embauche pour les petites entreprises prenne de l'ampleur pour devenir une incitation fiscale pour l'embauche et la formation de travailleurs au sein de PME.

Le programme Travail partagé de l'assurance­emploi s'est également révélé utile auprès de nombreuses PME lors de la récession. Ce programme permettait aux entreprises de conserver leurs employés tout en réduisant leurs propres dépenses et celles destinées au gouvernement fédéral, qui a réduit les cotisations d'assurance­emploi. Le programme Travail partagé a connu un franc succès auprès des PME et devrait servir de modèle pour d'autres programmes d'assurance­emploi. Par exemple, les vérifications internes du gouvernement ont révélé que certains projets pilotes sur l'assurance­emploi sont inefficaces, mais qu'ils ont tout de même été prolongés à de nombreuses reprises. En cette période de rareté des ressources, seuls les programmes qui se sont avérés efficaces pour intégrer les chômeurs au marché du travail devraient être poursuivis.

La FCEI recommande au gouvernement d'envisager le versement d'une somme de 2 milliards de dollars du fonds de l'assurance­emploi consacré chaque année à l'embauche et à la formation, ainsi qu'une partie des 600 millions de dollars voués aux projets pilotes, au crédit d'embauche, puisque ce dernier est plus à même d'aider efficacement les chômeurs à retourner sur le marché du travail que certains des programmes de formation et des projets pilotes sur l'assurance­emploi.

S'attaquer au problème du revenu de retraite

Régime de pensions du Canada

Des pressions politiques sont exercées dans le but que les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC) soient augmentées et se fondent sur l'unique argument qu'il s'agit de la seule façon d'améliorer la qualité de la retraite de la plupart des Canadiens. Or, il n'est pas aussi simple d'augmenter le revenu de retraite que de doubler les cotisations au RPC, malgré ce que certains prétendent. Au contraire, le doublement des cotisations au RPC coûterait l'équivalent de 1,2 million d'années-personnes en emplois et à la longue, une augmentation des cotisations au RPC ferait diminuer les salaires de 2,5 % alors que la hausse des cotisations des retraités ne sera pas pleinement efficace avant 40 ans. En fait, chaque augmentation de 1 % des primes versées au RPC au-delà du taux actuel de 9,9 % coûterait 220 000 années­personnes en emplois[6] (voir la figure 6).

En d'autres termes, une augmentation obligatoire des cotisations au RPC générerait une hausse des charges sociales, ce qui entraverait la croissance économique (voir la figure 5). Il n'est donc pas surprenant que 71 % de nos membres s'opposent à une augmentation obligatoire des primes versées au RPC[7] .

Régimes de retraite du secteur public

Bon nombre de nos membres aimeraient également que l'écart entre les régimes de retraite des secteurs public et privé soit réduit. Les généreux régimes de retraite du secteur public sont financés par les contribuables, dont plusieurs se voient contraints de repousser leur départ à la retraite, car ils n'en ont pas les moyens. La majorité des employés du secteur public prennent leur retraite à l'âge de 60 ans, alors que 47 % des propriétaires de petites entreprises prévoient ne pas être en mesure de prendre leur retraite avant l'âge de 65 ans (voir la figure 7).

Il est impératif que le régime de retraite canadien soit réorganisé afin de réduire l'écart injuste et intenable entre les régimes du secteur public et du secteur privé. À l'heure actuelle, les employés du gouvernement fédéral ne contribuent qu'à 34 % aux cotisations de retraite, et c'est au gouvernement fédéral (c.­à­d. aux contribuables) de payer les 66 % restants. De plus, le régime de retraite du fédéral a un manque à gagner de 208 milliards de dollars[8] . Dans une optique de justice et de viabilité, la FCEI ne demande pas à ce que les prestations déjà touchées soient modifiées, mais elle réclame au gouvernement de prendre des mesures pour pallier la situation insoutenable des régimes de retraite du secteur public. Pour ce faire, il lui faudrait : mener un examen à l'échelle nationale de tout le passif des régimes de retraite du secteur public (fédéral, provincial et municipal) au moyen d'une méthodologie commune; augmenter les cotisations des employés du secteur public; et éliminer les dispositions de retraite anticipée. Ces changements généreraient en outre d'importantes économies de coûts pour le gouvernement – il a en effet été démontré que l'élimination de la retraite anticipée permettrait au gouvernement d'économiser 2,2 milliards de dollars par année, et qu'un apport de 50 % de la part des employés au régime de retraite lui permettrait d'économiser 890 millions par année.

Réduction de la paperasserie

L'une des mesures de relance les plus efficaces et modiques que le gouvernement peut adopter en période d'instabilité économique est la réduction de la paperasserie. Selon un rapport de 2010 de la FCEI intitulé La prospérité ligotée par une réglementation excessive, la bureaucratie et la paperasserie coûteraient 30,5 milliards de dollars par année à l'économie canadienne. Si le gouvernement fédéral mettait sur pied un projet pangouvernemental pour réduire de façon définitive la bureaucratie et la paperasserie et en faire le suivi – à l'instar de ce qui a été fait en Colombie-Britannique – il pourrait réaliser des économies de 5 à 10 milliards de dollars chaque année, en plus d'améliorer le rendement des entreprises sans avoir vraiment à investir[9] . En fait, l'élimination des règlements et des formulaires inutiles favoriserait également l'objectif du gouvernement de réduire les dépenses administratives et salariales. Les économies qui pourraient être réalisées au moyen d'une réforme judicieuse des règlements, de même que les améliorations qui seraient apportées au rendement de l'économie canadienne, font de la réduction de la paperasserie une mesure idéale pour stimuler l'économie canadienne au cours de la reprise économique actuelle.

Bien que les gouvernements du pays aient formulé des engagements prometteurs, dont la mise sur pied de la Commission sur la réduction de la paperasse, seule la Colombie­Britannique a promis de réglementer une solution permanente sur ce sujet. Un sondage de la FCEI mené en 2009 a révélé que 26 % de nos membres ne se seraient pas lancés en affaires s'ils avaient su a priori la lourdeur administrative nécessaire au déroulement de leurs activités[10] . Il faut un leadership politique et des dispositions législatives qui obligent le gouvernement à évaluer les répercussions des règlements et la qualité du service à la clientèle puis à en rendre compte, de même qu'à imposer des contraintes aux organismes de réglementation. Si le gouvernement est réellement prêt à réduire la paperasserie des petites entreprises, ces mesures sont essentielles.

Conclusion

Les périodes de fléchissement économique et les récessions sont des périodes tumultueuses pour tout le monde. De nombreux débats houleux ont lieu au sujet de la meilleure voie à prendre. LA FCEI et ses membres ont toujours priorisé la prudence économique, de saines politiques budgétaires ainsi que l'équilibre budgétaire. Le Canada doit appuyer les créateurs d'emplois en adoptant des politiques et des mesures qui évitent un fardeau réglementaire inutile et favorisent la croissance et la création d'emplois. Voici un résumé de nos principales recommandations :

  • Ne pas augmenter les charges sociales : Compenser la hausse prévue des cotisations à l'assurance­emploi en prolongeant le crédit à l'embauche pour les petites entreprises jusqu'en 2012 afin que les petites entreprises bénéficient d'une pause lorsqu'elles augmentent leurs charges sociales. Mettre l'accent sur la création d'un régime de pension agréé collectif volontaire qui soit accessible et rentable pour les petites entreprises plutôt que sur l'augmentation des primes versées au RPC.
  • Réduire le déficit et réviser les régimes de retraite du secteur public : La plupart des propriétaires de PME s'inquiètent des dépenses élevées du gouvernement fédéral et souhaitent que ce dernier élimine le déficit d'ici 2014. Pour ce faire, il faudrait, entre autres que les salaires et les avantages du secteur public fédéral correspondent davantage à de ceux du secteur privé. Le gouvernement devrait également prendre des mesures pour pallier les régimes de retraite insoutenables du secteur public en procédant à l'examen du passif des régimes de retraite du secteur public (fédéral, provincial et municipal) au moyen d'une méthodologie commune; en augmentant les cotisations des employés du secteur public; et en éliminant les dispositions de retraite anticipée. De telles mesures pourraient éventuellement permettre au gouvernement de réaliser des économies de 3 milliards de dollars par année.
  • Réduction de la paperasserie : Le travail de la Commission sur la réduction de la paperasse présente une occasion d'apporter des changements permanents et durables au cadre réglementaire du Canada pour en faire un système polyvalent plutôt que fragmentaire. À cette fin, la FCEI recommande une réduction définitive du fardeau réglementaire au moyen de dispositions législatives. Ces dispositions devraient enjoindre au gouvernement d'évaluer les répercussions des règlements et la qualité du service à la clientèle puis d'en rendre compte. Des contraintes devraient en outre être imposées aux organismes de réglementation, afin que chaque fois qu'un nouveau règlement est créé, un autre doive être éliminé (ou deux autres doivent l'être pour réduire le fardeau). Enfin, un leadership politique constant est nécessaire à la bonne mise en place de ces mesures.


[1] Banque mondiale, The Great Recession and the Developing Countries, 2010.

[2] FCEI, Gros plan sur l'emploi pendant la récession, 2010, p. 2

[3] Dans le tableau, PE signifie « petites entreprises », IS signifie « impôt des sociétés » et REER signifie « régime enregistré d'épargne-retraite »

[4] Par exemple, les cotisations d'assurance-emploi ont augmenté en 2011, et une hausse de 10 cents pour les employés et de 14 cents pour les employeurs est prévue au cours des 3 prochaines années. De plus, le salaire minimum et les indemnisations des accidents du travail sont en hausse dans la plupart des provinces.

[5] FCEI, Survival of the Smallest, 2011  

[6] FCEI, Épargne forcée, 2010

[7] FCEI, Pour un avenir sûr, 2010

[8] Robson, William B.P. Cutting Through Pension Complexity: Easy Steps Forward for the 2010 Federal Budget. Institut C.D. Howe, février 2010.

[0] FCEI, La prospérité ligotée par une réglementation excessive, 2010

[10] Idem.

 

Corinne Pohlmann, vice-présidente, Affaires nationales

Esma Guenin, analyste des politiques

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont en voie de se remettre de la dernière récession, et la confiance est relativement élevée chez les membres de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Malgré tout, les incertitudes liées aux dettes souveraines en Europe et aux États‑Unis risquent d’affecter l’économie canadienne. Le Canada sera davantage en mesure de composer avec ces incertitudes si les gouvernements s’attaquent au déficit et mettent en œuvre des politiques favorisant l’emploi pour les PME. Afin de garantir la stabilité en cette période d’incertitude et de mieux se positionner pour l’avenir, le Canada doit maintenir les cotisations sociales à leur niveau actuel, rétablir l’équité entre les pensions du secteur public et celles du secteur privé, et réduire la paperasserie.


Introduction

L’économie mondiale a connu une grave récession pendant la crise financière qui a commencé en 2008­2009 aux États-Unis et s’est répandue rapidement dans le reste du monde[1]. À l’instar des économies les plus avancées, le Canada a connu une réduction de son produit intérieur brut (PIB), une augmentation perceptible de son taux de chômage, et une diminution marquée de ses activités commerciales et de la confiance de ses consommateurs. Afin d’accroître la demande et de créer des emplois, le Canada, à l’instar de nombreux autres pays, a mis en œuvre un plan de relance contracyclique. Même s’il s’agissait d’un bon outil de départ pour favoriser la reprise économique, le gouvernement canadien est désormais confronté à d’importantes difficultés liées aux dépenses et au déficit. Même si le Canada s’est assez bien sorti de la récession, l’incertitude économique plane toujours à l’échelle mondiale et la croissance est modérée au pays. Les problèmes liés à la dette structurelle des États­Unis et la crise relative à la dette souveraine de plusieurs pays européens font partie des facteurs qui retarderont la reprise économique mondiale, et ils auront fort probablement une incidence sur la croissance au Canada. Aujourd’hui, le Canada doit prendre des décisions difficiles qui lui permettront d’être sain sur le plan financier en vue d’éviter les problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis et de nombreux pays européens.

Une mesure tout aussi importante que de sabrer les dépenses consiste à soutenir les PME canadiennes au moyen de politiques favorisant l’emploi et la croissance. Les PME font partie intégrante de l’économie canadienne. Étant donné que 98 % des entreprises au Canada comptent moins de 50 employés, on ne peut insister suffisamment sur l’importance des PME. Près de 60 % des travailleurs canadiens sont à l’emploi de PME, et ils représentent près de la moitié de l’économie canadienne. Les PME sont la pierre angulaire de l’économie canadienne. Par conséquent, le gouvernement doit absolument aider à créer et à soutenir un environnement favorisant l’entreprenariat et la croissance des petites entreprises, ce qui diversifiera l’économie en plus de créer de nouveaux emplois et de nouvelles occasions pour les Canadiens. En fait, les indicateurs macroéconomiques importants pour les 18 derniers mois démontrent que les PME canadiennes se sortent de la récession, et rétablissent les emplois et reprennent les activités commerciales perdues pendant les turbulences économiques.

Les propriétaires de petite entreprise ont de nombreuses histoires à raconter au sujet du rendement de leur entreprise pendant le ralentissement économique. Certains ont réduit les coûts au strict minimum. D’autres ont exploré de nouveaux marchés et y ont fait de bonnes affaires. La FCEI utilisera une partie de cette présentation pour donner un aperçu du comportement des PME pendant la récession (par souci d’exhaustivité à ce sujet, la FCEI publiera en septembre 2011 un rapport intitulé Survival of the Smallest). Puisque les PME sont une composante aussi importante de l’économie et de la société canadiennes, le gouvernement et les décideurs doivent absolument tenir compte de ces recommandations, car elles peuvent avoir une incidence énorme sur les PME. En travaillant ensemble, nous empêcherons le Canada de prendre du retard et nous ouvrirons la voie à un avenir viable sur le plan financier, dans lequel les entrepreneurs canadiens pourront connaître la prospérité.

Les PME et la récession

Afin de surmonter le ralentissement économique, 62 % des propriétaires d’entreprise passaient plus d’heures au travail. Ils ont également eu à faire des choix déchirants, comme réduire leur propre salaire, emprunter davantage ou annuler leurs vacances, pour traverser cette période difficile. Seulement un propriétaire de petite entreprise sur cinq a mentionné n’avoir rien changé (voir la figure 1).  

Figure 1

Changements apportés par les propriétaires d’entreprise (réponses en pourcentage)

 

Source : FCEI, Survival of the Smallest, 2011

En outre, environ 42 % des propriétaires de PME ont réduit leur nombre d’employés pendant la récession, tandis que près d’un propriétaire sur trois a mentionné ne pas avoir eu recours à cette mesure (voir la figure 2). Le gel des salaires a également été une stratégie populaire chez les propriétaires d’entreprise (26 %). Sur une note positive, 12 % des propriétaires de PME ont été en mesure d’augmenter leur nombre d’employés pendant le ralentissement économique.

Pour replacer ces données en contexte, un rapport de la FCEI datant de mai 2010 a démontré que les grandes et les moyennes entreprises ont perdu 5,6 % et 5,9 % de leurs emplois rémunérés respectivement, tandis que les petites entreprises (c.‑à‑d. comptant moins de 50 employés) ont perdu seulement 2,0 % de leurs emplois rémunérés[2].

Figure 2

Changements liés à l’emploi (réponses en pourcentage)

 

Source : FCEI, Survival of the Smallest, 2011

Les réponses des PME à la récession sur le plan de l’emploi ont également révélé un écart important entre les provinces. En Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario, on a relevé un pourcentage plus élevé de réduction du nombre d’employés que la moyenne nationale (48, 49 et 45 % respectivement). Dans toutes les autres provinces, les pourcentages de réduction du nombre d’employés étaient inférieurs à la moyenne nationale. Parmi les grandes industries, ce sont les industries manufacturières qui ont connu la plus importante diminution de leur nombre d’employés.

Mesures des PME et politiques souhaitées par celles‑ci pour lutter contre la récession

Les propriétaires d’entreprise ont mis en œuvre de nombreux changements dans divers secteurs de leur entreprise afin de survivre à la récession. Sur les 22 mesures mentionnées dans le sondage, voici celles les plus souvent prises par les propriétaires : augmentation du nombre d’heures de travail (62 %), recherche de nouveaux consommateurs (50 %), et lancement de nouveaux produits ou services (46 %) [voir la figure 3]. 

Figure 3

Mesures les plus populaires (réponses en pourcentage)

 

Source : FCEI, Survival of the Smallest, 2011  

En plus de poser des questions aux propriétaires d’entreprise sur la façon dont ils ont vécu la dernière récession, on a demandé à ces derniers quelles mesures les aideraient à maintenir le rendement de leur entreprise, ou à en renforcer la progression. En général, un gel des cotisations d’assurance­emploi, une réduction du taux d’imposition du revenu des sociétés et un assouplissement de la réglementation gouvernementale sont les trois principales mesures qui aideraient les PME à maintenir ou à renforcer leurs affaires (voir la figure 4)[3].

Figure 4

Mesures qui permettraient de maintenir ou de renforcer les affaires? (réponses en pourcentage)

 

Source : FCEI, Survival of the Smallest, 2011

Recommandations

Appuyer l’embauche et la formation

Il est bien connu que les charges sociales (p. ex. assurance-emploi, Commission des accidents du travail, Régime de pensions du Canada) sont les charges les plus défavorables, car elles ne tiennent pas compte des profits, ce qui nuit directement à la création d’emplois. Bien que certains taux d’imposition aient diminué, nombre de charges sociales et de primes ont augmenté au cours des cinq dernières années, et plusieurs d’entre elles risquent d’être augmentées davantage[4]. Les propriétaires de PME s’opposent fermement à ces augmentations qui nuisent dangereusement à leur capacité de maintenir leurs employés en poste, ce qui fait nécessairement obstacle à leur capacité de créer des emplois.

Le crédit à l’embauche pour les petites entreprises est une mesure administrative sans lourdeur, qui tient compte des coûts élevés générés par la formation et compense en partie les charges sociales pour les PME. Ce crédit donne une « pause » temporaire aux employeurs qui n’ont pas à verser des cotisations d’assurance­emploi pour toute augmentation de la charge (généralement à la suite d’une embauche ou d’une augmentation de salaire). Cette mesure appréciée des propriétaires de PME revêt une importance particulière pour les entreprises en expansion, car elle permet à celles-ci de renforcer le rendement de leurs activités[5]. Nous saluons certes cette mesure, mais nous souhaitons que ce crédit à l’embauche pour les petites entreprises prenne de l’ampleur pour devenir une incitation fiscale pour l’embauche et la formation de travailleurs au sein de PME.

Figure 5

Quelle forme d’imposition nuit le plus à la croissance de votre entreprise?

 

Source : FCEI, Point de vue, résultats du sondage sur la compétitivité fiscale, 2007

Le programme Travail partagé de l’assurance­emploi s’est également révélé utile auprès de nombreuses PME lors de la récession. Ce programme permettait aux entreprises de conserver leurs employés tout en réduisant leurs propres dépenses et celles destinées au gouvernement fédéral, qui a réduit les cotisations d’assurance­emploi. Le programme Travail partagé a connu un franc succès auprès des PME et devrait servir de modèle pour d’autres programmes d’assurance­emploi. Par exemple, les vérifications internes du gouvernement ont révélé que certains projets pilotes sur l’assurance­emploi sont inefficaces, mais qu’ils ont tout de même été prolongés à de nombreuses reprises. En cette période de rareté des ressources, seuls les programmes qui se sont avérés efficaces pour intégrer les chômeurs au marché du travail devraient être poursuivis.

La FCEI recommande au gouvernement d’envisager le versement d’une somme de 2 milliards de dollars du fonds de l’assurance­emploi consacré chaque année à l’embauche et à la formation, ainsi qu’une partie des 600 millions de dollars voués aux projets pilotes, au crédit d’embauche, puisque ce dernier est plus à même d’aider efficacement les chômeurs à retourner sur le marché du travail que certains des programmes de formation et des projets pilotes sur l’assurance­emploi.

S’attaquer au problème du revenu de retraite

Régime de pensions du Canada

Des pressions politiques sont exercées dans le but que les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC) soient augmentées et se fondent sur l’unique argument qu’il s’agit de la seule façon d’améliorer la qualité de la retraite de la plupart des Canadiens. Or, il n’est pas aussi simple d’augmenter le revenu de retraite que de doubler les cotisations au RPC, malgré ce que certains prétendent. Au contraire, le doublement des cotisations au RPC coûterait l’équivalent de 1,2 million d’années-personnes en emplois et à la longue, une augmentation des cotisations au RPC ferait diminuer les salaires de 2,5 % alors que la hausse des cotisations des retraités ne sera pas pleinement efficace avant 40 ans. En fait, chaque augmentation de 1 % des primes versées au RPC au-delà du taux actuel de 9,9 % coûterait 220 000 années­personnes en emplois[6] (voir la figure 6).


Figure 6

Hypothèse sur les primes versées au RPC pour les employeurs et les employés, pourcentage des gains ouvrant droit à une pension

Source : FCEI, Épargne forcée, 2010

En d’autres termes, une augmentation obligatoire des cotisations au RPC générerait une hausse des charges sociales, ce qui entraverait la croissance économique (voir la figure 5). Il n’est donc pas surprenant que 71 % de nos membres s’opposent à une augmentation obligatoire des primes versées au RPC[7].

Régimes de retraite du secteur public

Bon nombre de nos membres aimeraient également que l’écart entre les régimes de retraite des secteurs public et privé soit réduit. Les généreux régimes de retraite du secteur public sont financés par les contribuables, dont plusieurs se voient contraints de repousser leur départ à la retraite, car ils n’en ont pas les moyens. La majorité des employés du secteur public prennent leur retraite à l’âge de 60 ans, alors que 47 % des propriétaires de petites entreprises prévoient ne pas être en mesure de prendre leur retraite avant l’âge de 65 ans (voir la figure 7).


Figure 7

Âge moyen de la retraite par secteur

Source : Statistique Canada, CANSIM, tableau 282‑0051, 2010

Il est impératif que le régime de retraite canadien soit réorganisé afin de réduire l’écart injuste et intenable entre les régimes du secteur public et du secteur privé. À l’heure actuelle, les employés du gouvernement fédéral ne contribuent qu’à 34 % aux cotisations de retraite, et c’est au gouvernement fédéral (c.­à­d. aux contribuables) de payer les 66 % restants. De plus, le régime de retraite du fédéral a un manque à gagner de 208 milliards de dollars[8]. Dans une optique de justice et de viabilité, la FCEI ne demande pas à ce que les prestations déjà touchées soient modifiées, mais elle réclame au gouvernement de prendre des mesures pour pallier la situation insoutenable des régimes de retraite du secteur public. Pour ce faire, il lui faudrait : mener un examen à l’échelle nationale de tout le passif des régimes de retraite du secteur public (fédéral, provincial et municipal) au moyen d’une méthodologie commune; augmenter les cotisations des employés du secteur public; et éliminer les dispositions de retraite anticipée. Ces changements généreraient en outre d’importantes économies de coûts pour le gouvernement – il a en effet été démontré que l’élimination de la retraite anticipée permettrait au gouvernement d’économiser 2,2 milliards de dollars par année, et qu’un apport de 50 % de la part des employés au régime de retraite lui permettrait d’économiser 890 millions par année.


Réduction de la paperasserie

L’une des mesures de relance les plus efficaces et modiques que le gouvernement peut adopter en période d’instabilité économique est la réduction de la paperasserie. Selon un rapport de 2010 de la FCEI intitulé La prospérité ligotée par une réglementation excessive, la bureaucratie et la paperasserie coûteraient 30,5 milliards de dollars par année à l’économie canadienne. Si le gouvernement fédéral mettait sur pied un projet pangouvernemental pour réduire de façon définitive la bureaucratie et la paperasserie et en faire le suivi – à l’instar de ce qui a été fait en Colombie-Britannique – il pourrait réaliser des économies de 5 à 10 milliards de dollars chaque année, en plus d’améliorer le rendement des entreprises sans avoir vraiment à investir[9]. En fait, l’élimination des règlements et des formulaires inutiles favoriserait également l’objectif du gouvernement de réduire les dépenses administratives et salariales. Les économies qui pourraient être réalisées au moyen d’une réforme judicieuse des règlements, de même que les améliorations qui seraient apportées au rendement de l’économie canadienne, font de la réduction de la paperasserie une mesure idéale pour stimuler l’économie canadienne au cours de la reprise économique actuelle.

Bien que les gouvernements du pays aient formulé des engagements prometteurs, dont la mise sur pied de la Commission sur la réduction de la paperasse, seule la Colombie­Britannique a promis de réglementer une solution permanente sur ce sujet. Un sondage de la FCEI mené en 2009 a révélé que 26 % de nos membres ne se seraient pas lancés en affaires s’ils avaient su a priori la lourdeur administrative nécessaire au déroulement de leurs activités[10]. Il faut un leadership politique et des dispositions législatives qui obligent le gouvernement à évaluer les répercussions des règlements et la qualité du service à la clientèle puis à en rendre compte, de même qu’à imposer des contraintes aux organismes de réglementation. Si le gouvernement est réellement prêt à réduire la paperasserie des petites entreprises, ces mesures sont essentielles.

Conclusion

Les périodes de fléchissement économique et les récessions sont des périodes tumultueuses pour tout le monde. De nombreux débats houleux ont lieu au sujet de la meilleure voie à prendre. LA FCEI et ses membres ont toujours priorisé la prudence économique, de saines politiques budgétaires ainsi que l’équilibre budgétaire. Le Canada doit appuyer les créateurs d’emplois en adoptant des politiques et des mesures qui évitent un fardeau réglementaire inutile et favorisent la croissance et la création d’emplois. Voici un résumé de nos principales recommandations :

§  Ne pas augmenter les charges sociales : Compenser la hausse prévue des cotisations à l’assurance­emploi en prolongeant le crédit à l’embauche pour les petites entreprises jusqu’en 2012 afin que les petites entreprises bénéficient d’une pause lorsqu’elles augmentent leurs charges sociales. Mettre l’accent sur la création d’un régime de pension agréé collectif volontaire qui soit accessible et rentable pour les petites entreprises plutôt que sur l’augmentation des primes versées au RPC.

§  Réduire le déficit et réviser les régimes de retraite du secteur public : La plupart des propriétaires de PME s’inquiètent des dépenses élevées du gouvernement fédéral et souhaitent que ce dernier élimine le déficit d’ici 2014. Pour ce faire, il faudrait, entre autres que les salaires et les avantages du secteur public fédéral correspondent davantage à de ceux du secteur privé. Le gouvernement devrait également prendre des mesures pour pallier les régimes de retraite insoutenables du secteur public en procédant à l’examen du passif des régimes de retraite du secteur public (fédéral, provincial et municipal) au moyen d’une méthodologie commune; en augmentant les cotisations des employés du secteur public; et en éliminant les dispositions de retraite anticipée. De telles mesures pourraient éventuellement permettre au gouvernement de réaliser des économies de 3 milliards de dollars par année.


§  Réduction de la paperasserie : Le travail de la Commission sur la réduction de la paperasse présente une occasion d’apporter des changements permanents et durables au cadre réglementaire du Canada pour en faire un système polyvalent plutôt que fragmentaire. À cette fin, la FCEI recommande une réduction définitive du fardeau réglementaire au moyen de dispositions législatives. Ces dispositions devraient enjoindre au gouvernement d’évaluer les répercussions des règlements et la qualité du service à la clientèle puis d’en rendre compte. Des contraintes devraient en outre être imposées aux organismes de réglementation, afin que chaque fois qu’un nouveau règlement est créé, un autre doive être éliminé (ou deux autres doivent l’être pour réduire le fardeau). Enfin, un leadership politique constant est nécessaire à la bonne mise en place de ces mesures.



[1] Banque mondiale, The Great Recession and the Developing Countries, 2010.

[2] FCEI, Gros plan sur l'emploi pendant la récession, 2010, p. 2

[3] Dans le tableau, PE signifie « petites entreprises », IS signifie « impôt des sociétés » et REER signifie « régime enregistré d’épargne-retraite »

[4] Par exemple, les cotisations d’assurance-emploi ont augmenté en 2011, et une hausse de 10 cents pour les employés et de 14 cents pour les employeurs est prévue au cours des 3 prochaines années. De plus, le salaire minimum et les indemnisations des accidents du travail sont en hausse dans la plupart des provinces.

[5] FCEI, Survival of the Smallest, 2011  

[6] FCEI, Épargne forcée, 2010

[7] FCEI, Pour un avenir sûr, 2010

[8]Robson, William B.P. Cutting Through Pension Complexity: Easy Steps Forward for the 2010 Federal Budget. Institut C.D. Howe, février 2010.

[9] FCEI, La prospérité ligotée par une réglementation excessive, 2010

[10] Idem.